Marc Wiltz,
libraire et éditeur de récits de voyages !
Entretien réalisé lors de la production de la murale de Thomas, le 20 mars 2021.
Présentez-vous et la Librairie du Voyageur en quelques mots ?
J’ai créé la maison d’édition Magellan & Cie en 1999. En une vingtaine d’années, nous avons publié 450 titres sur le thème du voyage. Ici, dans la Librairie du Voyageur, il y a tous nos titres et ceux de l’ensemble de l’Union des éditeurs de voyage indépendants. À 10 éditeurs nous avons 2000 titres sur le thème.
Les gens qui rentrent ici ne viennent pas pour chercher le dernier livre de untel, auteur connu, mais viennent se renseigner pour savoir qu’est-ce-qu’on a à proposer sur tel endroit du monde, sur telle façon de voyager. En général, ils ne sont pas déçus ! Les gens trouvent ici ce qu’ils ne trouvent pas ailleurs. C’est notre spécificité et aussi notre volonté de rester ainsi, ne pas devenir une librairie généraliste.
Est-ce-que vous avez toujours été dans le monde de l’édition et pourquoi s’être spécialisé dans les livres de voyage ?
Non, j’ai travaillé en Afrique, j’ai été directeur de tournage de cinéma, mais j’ai toujours eu le livre et le voyage comme élément principal de mon existence et de mes passions.
Avez-vous une belle rencontre à nous partager ?
Le crédo de la maison d’édition depuis son premier jour, c’est effectivement la curiosité du monde. On fait de belles rencontres quasiment tout le temps, c’est ça la richesse de ce métier. Les gens qui viennent nous voir pour être publiés, ils ont une histoire incroyable et ils ne savent pas forcément trouver la meilleure forme pour la mettre en valeur.
Notre métier, notre savoir-faire, c’est d’essayer de trouver un contenant à ce contenu que les uns et les autres peuvent trimballer avec eux depuis quelques semaines, mois ou grosses années. Une forme qui soit à la fois esthétique, significative, pas trop chère et qu’on puisse la mettre à disposition du plus grand nombre possible. En sachant qu’on ne fera jamais des centaines de milliers d’exemplaires, ça n'arrivera jamais mais c’est pas grave, on le sait !
Pour les belles rencontres, c’est un manuscrit reçu par la poste de gens devenus des amis, c’est des rencontres au bout du monde qui se font sans avoir l’idée de ce voyage, de ce thème, de ce livre, on en a fait un. Ce sont des situations humaines, c’est fait de tellement de choses, ce sont quelques moments de grâce, qu’on a l’immense privilège de croiser tout le temps, c’est incroyable les gens qu’on a pu rencontrer, croiser, c’est incroyable !
C’est passionnant, ça nourrit, ça résonne, ça renvoie à d’autres. On met aussi en rapport les uns avec les autres, on fait se rencontrer quelqu’un qu’on apprécie avec quelqu’un d’autre qu’on apprécie et qui n’avaient aucune raison de se rencontrer. Puis, ils deviennent proches pour une raison ou pour une autre qui ne nous appartient plus, qui nous échappe et tant mieux pour ceux en question !
Quels sont vos prochains projets ?
On en a beaucoup ! J’ai la caractéristique d'avoir un certain nombre d’idées, donc j’ai un espèce de frigo dans mon ordinateur, dans lequel il y a 200 projets, donc j’ai de quoi faire pour de nombreuses années. Tous les ans je regarde un peu ce qu’on a au frigo et puis je me dis “ah oui, tiens ça c'est peut-être le moment” et ça nourrit le catalogue.
Pour la jeunesse (à partir de 4-5 ans), la curiosité des enfants est telle que si on peut apporter une petite notion sur l’ailleurs, l’étranger, c’est pas mal ! En tant que Magellan & Cie, depuis qu’on fait de la jeunesse, on a publié une cinquantaine de titres. Là on vient de reprendre une maison d’édition qui s’appelle Flies France qui a une magnifique collection sur les contes et légendes. La collection s’appelle “Aux origines du Monde”. Elle vient compléter ce que l’on a fait en jeunesse et en adulte. Cette collection explique les tenants et les aboutissants de telles ou telles cultures, de façon d’être. Aujourd’hui il y a une vraie continuité entre les 3-4 ans et les beaucoup plus âgés. On passe de 450 à 550 livres disponibles avec cette collection, c’est donc la nouveauté de l’année. Il va falloir un peu le temps de la digestion, de l'harmonisation… mais tout ça se fait tranquillement.
Depuis combien de temps êtes-vous sur la rue Ramey, et avez-vous vu le quartier changer / évoluer ?
Je me suis installé dans ce lieu en mai 2005, il y a presque 17 ans et le quartier a fondamentalement changé. Avant c’était une rue que de voitures avec des gens qui passaient sans s’arrêter et en quelques années, au fur et à mesure de la boboïsation, de la gentrification, un café s’est installé, puis un restaurant, puis un autre... et maintenant c’est devenu presque un endroit à la mode avec des propositions étonnantes ! Juste en face il y a un restaurant exceptionnel qui est pas loin de l’étoile (Atelier Ramey), des bars sympas il y en a tout le long. Les camarades de la cantine du 18e qui font aussi un magnifique travail, fermé depuis de nombreux mois et je leur souhaite d’ouvrir le plus rapidement possible. On se sent bien ici, vraiment bien !
Est-ce que vous avez une attache particulière avec le quartier, une anecdote dessus ou votre librairie ?
On est en hauteur, on est dans un quartier attractif, il y a plein de choses à voir, il y a des choses et des gens incroyables ici ! On n’est pas dans un quartier musée, on est dans un quartier toujours vivant, avec un aspect social qui est intéressant. Il ne faut pas oublier qu’il s’est passé des choses au moment de La Commune, tous les bars et cabarets, bref il y a eu une vie absolument incroyable… Il y a toujours ces chromosomes de gens pas tout à fait respectueux de l’ordre établi, de gens qui ont envie de faire la fête, de gens qui ne sont forcément pas ultra fortunés. C’est un mélange étonnant, on s’y inscrit ici avec notre petite place ici très volontiers.
Pour revenir au projet avec Thomas Lateur, pourquoi avoir choisi de faire une murale sur votre rideau et pourquoi cette artiste ?
Je n’aurais pas fait la démarche spontanée, seul, parce-que je ne savais pas à qui m’adresser, même si on a déjà fait des livres de street art, un sur Marseille, on en prépare un autre sur Bruxelles. J’ai un projet sur Paris, avec des milliers de photos sur le street-art à Paris.
C’est quand vous êtes venu me voir, je me suis dis qu’il y avait une raison, donc la réponse est oui d’emblée, mais après comment ? Et c’est sur vos propositions, je trouvais que le travail de Thomas Lateur s’y prêtait particulièrement bien dans le sens où c’est pas de l’art pour l’art, il y a un message, il y a une signification. Je ne voulais pas de la pub, mais je ne voulais pas du street art que l’on peut trouver partout. C’est le juste milieu entre l’explication et le côté artistique qui est incontestable. Et sa gamme de couleur qui est spécifique, douce et pastel qui est en vrai adéquation avec ce que nous on propose ici.
Grâce à vous Artichaud, on va avoir une visibilité différente, une petite notion complémentaire parce-que la réalisation de Thomas Lateur est belle, attractive et dans l’esprit de ce que l’on veut montrer ici. Au lieu d’avoir des rideaux gris complètement impersonnels, ou une façade d’une couleur, on a une signification autour de ça avec des petits messages “Librairie”, “Voyage”, “Galerie”...
Discussion avec
Thomas Lateur,
l'artiste ?